Etude de 60 millions de consommateurs sur la cigarette électronique : quel protocole ?

"60 millions de consommateurs" s'attaque à la cigarette électronique

« 60 millions de consommateurs » s’attaque à la cigarette électronique

Après avoir entendu à la radio et lu dans quelques journaux les conclusions d’une étude du journal 60 millions de consommateur, je me suis rué au kiosque de journaux pour voir ce qu’il en retournait. En effet, plusieurs articles titrent sur les substances nocives et cancérigènes qui auraient été détectées dans la vapeur de cigarette électronique. Cela va à l’encontre de pratiquement toutes les études récentes sur la cigarette électronique et j’étais curieux de savoir quel matériel avait été testé, avec quels liquides et surtout avec quel protocole expérimental. Quelle ne fut pas ma surprise de lire en détail l’article sans trouver la moindre réponse à mes questions. Dans ce court billet je vous rappelle les vraies études qui ont été publiées sur le sujet et pourquoi selon moi le journal 60 millions de consommateurs obtient de tels résultats.

Le protocole expérimental est capital pour ce genre d’étude

L’article est très lapidaire pour expliquer comment les résultats ont été obtenus. Voici le seul passage qui évoque le protocole expérimental :

« …jusqu’alors , les études menées sur les vapeurs de e-cigarettes n’avaient jamais mis en évidence de molécules cancérogènes en quantité significative. C’est pourtant le cas avec certaines e-cigarettes que nous avons étudiées. Ces résultats inédits s’expliquent par notre approche originale. D’abord nos analyses ne sont pas limitées à comparer l’ecigarette à la cigarette conventionnelle, c’est à dire à ne rechercher dans les vapeurs de cigarettes électroniques que des substances présentes dans la fumée du tabac. Surtout pour déterminer avec précision la composition des « e-vapeurs », nous n’avons pas eu recours à une machine à fumer comme c’est généralement le cas, car cette méthode ne permet pas de recueillir de façon optimale les substances libérées. Nous avons élaboré une installation capable de simuler le fonctionnement d’une cigarette électronique et d’en recueillir l’ensemble des composés émis, tout en limitant les possibilités de condensation de ces substances sur les parois des tubes de l’installation. »

Par ailleurs un journaliste de 60 millions de consommateur a indiqué le 26/08/2013 à la radio qu’ils avaient fait du bricolage pour cette étude

Avec cette méthode, l’article indique que des molécules cancérigènes ou toxiques : le formaldhéhyde, l’acroléine et l’acétaldéhyde ont été détectées ainsi que des traces de métaux. Aucun niveau de ces substances n’est indiqué mais les résultats sont présentés de telle sorte à ne pas être rassurants et à demander un encadrement plus strict de la cigarette électronique.

Or d’autres expérimentations ont été menées par des chercheurs, et dont les résultats ont été confrontés à l’avis de scientifiques avant d’être publiées dans des revues internationales. Il est dommage de faire le buzz sans être passé par cette étape au préalable car il y a malheureusement un risque de désinformation. En effet, aux prémices du projet clearstream initié par Flavour Art, des substances toxiques avaient été descellées lors de la première phase expérimentale. C’était en 2011 et l’ensemble du protocole expérimental avait été rendu public. Cela avait permis aux vapoteurs de corriger des erreurs grossières qui rendaient l’expérience totalement irréaliste. C’est à ce moment là également que les Docteurs Farsalinos et Romagna ont commencé leurs travaux sur la ecigarette et ont totalement revu l’expérience pour la rendre réellement scientifique (avec contrôle du poids du liquide présent dans la cartouche, mesure de la température de la ecigarette…). Le détail du protocole est disponible en français ici. Ils ont mis en évidence que le protocole expérimental précédent conduisait à un chauffage à vide du matériel (il n’y avait plus de liquide dans la cartouche en fin d’expérience), et que cela pouvait effectivement surchauffer et créer des composés toxiques. Seulement cette situation n’arrive jamais en réalité car les utilisateurs arrêtent bien entendu de vapoter dès qu’il n’y a plus de vapeur produite.

Attention un steack trop cuit présente des substances cancérigènes

Attention ! Un steack trop cuit présente des substances cancérigènes

C’est un peu comme si on souhaitait analyser la toxicité d’un steack et qu’on le laissait cuire 7 heures avant de l’analyser. C’est potentiellement l’erreur de ceux qui ont « bricolé » l’expérimentation de 60 millions de consommateurs et qui fausserait les résultats. 

Par ailleurs l’acroléine est un composé très irritant et les vapoteurs se rendraient rapidement compte qu’ils l’inhalent. Au final avec un protocole expérimental réaliste les chercheurs n’ont trouvé aucune trace de composé cytotoxique.

Les Docteurs Romagna et Farsalinos : chercheurs sur la cigarette électronique

Les Docteurs Romagna et Farsalinos : chercheurs sur la cigarette électronique

On peut d’ailleurs noter qu’une autre étude avait déjà trouvé de l’acroléine dans la vapeur de cigarette électronique ainsi que des microparticules de métaux. Rappelons au passage que cuisiner avec de l’huile chauffer à plus de 180°C crée de l’acroléine en quantité importante comme l’indique cette étude commentée sur cette page consacrée à l’acroléine. Mais là encore le protocole expérimental semble être en cause. Ce dernier avait fortement été critiqué par le Docteur Farsalinos. Par ailleurs les taux observés étaient largement inférieurs aux taux autorisés par les grandes institutions internationales de santé publique et très largement inférieurs à ceux trouvés dans une cigarette classique. Est-ce le cas pour l’étude de 60 millions de consommateurs ? On n’en sait rien car justement les niveaux ne sont pas indiqués…

Signalons également qu’une étude du Docteur Farsalinos et de son équipe avait montré l‘absence de « tabagisme » passif avec la cigarette électronique, de même qu’une étude française dont le Professeur Dautzenberg (l’expert chargé du rapport remis à la Ministre Marisol Touraine) est l’un des auteurs à consulter ici.

Il est très louable que des associations indépendantes fassent se type d’analyse et il est souhaitable que d’autres le fassent et qu’un maximum d’études soient publiées. D’autant plus qu’il ne faut pas tomber dans l’angélisme et penser que la ecigarette est totalement anodine et que tous les fabricants de liquide  sont exemplaires. Il faut absolument poursuivre des études, notamment sur l’impact de la ecigarette sur la santé à long terme !

Mais il ne faut pas rechercher le buzz à tout prix et il est certain que des résultats qui auraient montré l’absence de substance dans la vapeur de cigarette électronique auraient été moins vendeurs. Face à de tels résultats, pourquoi ne pas d’abord les confronter à ceux d’autres spécialistes ? Car le risque de tels articles est de mettre dans la tête du fumeur que finalement la cigarette électronique n’est pas une solution saine et même qu’elle est aussi dangereuse que le tabac, ce qui est totalement faux d’après toutes les études scientifiques publiées de part le monde. Des fumeurs risquent d’arrêter la cigarette électronique, d’autres de ne pas y passer pour cette raison. Et si on apprend que le protocole expérimental de l’étude était effectivement biaisé comme c’est potentiellement le cas, le mal sera fait. Le buzz aura eu lieu et des fumeurs continueront à fumer…

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Sylvain Filatriau

 

4 réflexions au sujet de « Etude de 60 millions de consommateurs sur la cigarette électronique : quel protocole ? »

  1. Enfin un article concret. Apparemment la dépression que connait le monde de la presse actuellement les obliges a faire le buzz. Malheureusement beaucoup de français vont perdre confiance dans le vapotage, et l’entreprise fabricant de l’E-roll va en subir les conséquences alors qu’ils ne sont aucunement responsable des produits que l’on met a l’intérieur.

  2. Mis à part les nombreux commentaires indignés (à raison) que l’on peut lire sur la plupart des sites ayant relayé cette info, effectivement, depuis hier, aucun des grands titres de la presse n’a pris la peine de proposer un point de vue critique face à cette nouvelle étude.

    Vous avez raison de pointer l’absence totale de précision concernant le protocole expérimental et typiquement, ce serait une raison de refuser la publication dans des revues scientifiques dignes de ce nom.

    Cependant, mettre en cause le marasme qui touche la presse et la recherche du buzz à tout prix n’est à mon sens pas suffisant, et il faut aussi s’interroger sur la collusion entre la classe politique (qui soutient corps et âme que la dangerosité du tabac justifie des augmentations perpétuelle alors qu’en réalité ce sont les taxes qui l’intéresse) et l’industrie du tabac qui voit ses parts de marché réduire à une vitesse jamais vue auparavant (pour preuve, une proposition d’autoriser le snus en France du député UMP Thierry Lazaro, relayée par… British American Tobacco, cherchez l’erreur http://www.batfrance.com/group/sites/bat_877jla.nsf/vwPagesWebLive/DO87AD4H?opendocument&SKN=1).

    Tout sera fait pour que l’argent du tabac continue de rentrer. Au détriment de la santé de la population s’il le faut. Que la cigarette électronique ne soit pas inoffensive, évidemment, qu’elle soit présentée comme aussi toxique que la tabac, c’est un mensonge éhonté.

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