Cigarette électronique : le retour du spectre du formaldéhyde ?

Ce matin, la plupart des médias ont repris en chÅ“ur les résultats d’une étude alarmiste sur la cigarette électronique : elle serait cancérigène à cause du formaldéhyde qu’elle dégage. Tous ceux qui suivent l’état scientifique de la cigarette électronique connaissent parfaitement cette rengaine, systématiquement remise en cause par les scientifiques, spécialistes de l’étude de la cigarette électronique. Le formaldéhyde, tout comme l’acroléine, des substances dangereuses, apparaîtraient par la chauffe excessive du e-liquide de cigarette électronique. Seulement, voilà, toutes les études qui ont montré un dégagement de ces substances ont été remises en cause car leur protocole expérimental ne correspondait pas à une utilisation normale de cigarette électronique. Ce qui est déconcertant avec les reprises de média de la dépêche AFP alarmiste et sensationnaliste, c’est que quand on lit l’étude en détail, on constate que les chercheurs expliquent eux même qu’en vapotant normalement, il n’y a pas de risque. Désinformation ? A vous de juger avec un rappel de ce que contient l’étude et les critiques des spécialistes qui ont conduit certains journaux comme le Figaro à modifier leur article en cours de journée.

journauxdepresse

Une dépêche AFP reprise en masse par les médias ce matin, mais de la désinformation…

La cigarette électronique fait peur à certains.
La cigarette électronique est un (relatif) nouveau produit, et il est normal et sain qu’il y ait des études régulières pour connaître la dangerosité réelle ou l’innocuité des produits, matériels et e-liquides. En revanche, ce qui est anormal c’est de voir ressortir, dans les conclusions de ces articles et en dépêche AFP massivement diffusée sur les principaux médias, les seuls points négatifs, en oubliant d’évoquer le fait qu’une utilisation normale d’e-cigarette ne fait pas ressortir les risques, bien au contraire même.

Que relate cette étude?

Structure du formaldéhyde

Structure du formaldéhyde

Dans le trait le plus noirci et dans ce qui fait les gros titres de bien de nos médias nationaux ce matin, elle relate que la cigarette électronique serait 5 à 15 fois plus cancérigène que le tabac, lorsque chauffée au maximum (5 volts), et aspiré profondément.

Dans ceci, il n’y a rien de nouveau. Le risque inhérent au formaldéhyde est connu de longue date. Nous l’avions évoqué dans un article écrit en avril 2014, citant une source de 2010, et un autre écrit en 2013…

Pour leurs tests, ils ont utilisé une machine pour inhaler la vapeur des e-cigarettes, à 2 voltages différents (3,3 et 5 V), pour déterminer comment se forme le formaldéhyde à partir d’e-liquides.

Il est IMPORTANT de noter qu’à faible voltage, à 3,3 volts, l’étude n’a constaté aucune trace de formaldéhyde. C’est lorsque l’e-liquide a plus chauffé (avec 5 volts), que le taux de formaldéhyde qui se formait, était bien plus élevé que celui trouvé par la combustion de cigarettes conventionnelles.

Vous trouverez l’étude de l’université de Portland sur le site du New England Journal of Medicine (NEJM).
Par ailleurs, par ce lien, vous noterez la présence de l’article scientifique, accompagné d’un dossier de presse… un mélange des genres dont chacun jugera du bien fondé de la chose, ou non.

Pourquoi cette étude à propos du formaldéhyde doit-elle être sujette à caution?

La première des raisons que tout vapoteur confirmera, est que PERSONNE ne vapote à la chauffe où les tests ont été réalisés. Le matériel ne le permet pas forcément, mais surtout, cela procure un goût infecte, âcre et métallique.

Dr Farsalinos

Dr Farsalinos

Comme le rappelle le célèbre cardiologue grec, le Dr Farsalinos, sur son blog (en anglais) :

« Les auteurs rapportent que 5 mg de liquide ont été vaporisés à 3,3 volts. Selon des mesures réalisées, une telle consommation d’e-liquide équivaut à des bouffées de 4 secondes à environ 6-7 watts. La résistance devait donc être de 1,6 à 1,8 Ω. Ce qui à 5 volts donne une puissance de 14-16 watts. Ce qui est une valeur très élevée pour la plupart des atomiseurs du commerce (exceptés certains reconstructibles qui peuvent supporter une telle puissance). Il est donc évident que l’atomiseur a été surchauffé, ce qui bien sûr résulte en une production très élevée de formaldéhyde. Ce que les auteurs ignorent, c’est que ces conditions, connues sous le nom de dry-puff, sont facilement détectées par les utilisateurs de cigarettes électroniques. Cela produit un goût insupportable, et personne ne vapote dans ces conditions, et n’est donc jamais exposé à de telles concentrations de formaldéhyde.« 
On dira donc, au mieux, que les auteurs de cette étude n’ont aucune connaissance du milieu de la vape.

Ensuite, il y a la méthode.
On peut relever des erreurs méthodiques critiquables, comme l’a noté le britannique Clive Gates.

Clive Bates

1. Quelles mesures ont été prises pour que la vapoteuse simule vraiment une utilisation humaine normale? Rien n’est précisé sur la force des bouffées utilisées lors des expériences.

2. Quelles précautions furent prises pour éviter d’inclure dans les résultats les tirages à vide? (les bouffées effectuées avec un voltage et une intensité tels que la température de résistance devient extrêmement élevée, produisant un insupportable goût âcre et désagréable)? Bien sûr, on ne peut que trouver des hauts niveaux de formaldéhyde dans ces conditions spécifiques, mais aucun humain ne pourrait y être exposé, parce que l’homme possède le sens du goût, ce que les machines n’ont pas.

3. Concernant le risque de cancers, quelles certitudes y a-t-il sur le réglage des intensité des bouffées utilisées, pour qu’ils représentent un comportement humain? Aucune donnée n’est précisée à ce sujet, et il existe un danger de penser que la publication telle que les résultats présentés soit lié à la cigarette électronique, alors que cela viendrait de l’utilisation extrême du matériel testé?
A ce sujet, il n’y a pas de mise en garde relative à cette possibilité.

On peut aussi évoquer à nouveau le Dr Farsalinos, qui relève que les chercheurs de l’université de Portland n’ont pas trouvé de traces de formaldéhyde, mais uniquement des hémiacétals de formaldéhyde. Or, selon ce même docteur, « il n’existe aucune preuve que les hémiacétals soient toxiques ou cancérigènes. Il est même possible que la formation d’hémiacétals protège des dommages causés par le formaldéhyde. Cependant, les auteurs les ont considérés comme du formaldéhyde et ont calculé un risque de cancer. »

Conclusion

Au vu de tout cela, je me trouve, une nouvelle fois, devant l’obligation de conclure qu’il y a une incroyable volonté de répandre la peur et la confusion au sujet de la cigarette électronique, par la publication et la diffusion d’études biaisées, aux titres volontairement racoleurs et apeurant.

Car si cette étude relève et confirme des données déjà connues de longue date sur une utilisation anormale d’une e-cigarette, elle relève aussi, et c’est là le point principal, qu’il n’y a aucune trace de formaldéhyde pour un usage normal d’une cigarette électronique. Mais cela, malheureusement, est rarement mis en avant dans les médias qui ont repris massivement sans discernement la conclusion de cette étude.

D’ailleurs, une fois passé la dépêche AFP reprise en choeur par nombre de médias en France et à travers le monde, on voit que certains médias ont apporté, dans la journée, plus de modération.

Le Figaro, un même sujet, 2 titres et 2 articles à la tonalité bien différente…

Pour preuve, Le Figaro, qui titrait tôt ce matin un article « l’e-cigarette plus cancérigène que le tabac », a changé l’article et son titre assez rapidement, devant le tollé provoqué chez nombre de docteurs spécialistes du sujet.

Ci-contre, en haut la version disponible le matin sur la conclusion de l’étude qui n’est plus disponible actuellement et qui était placé en 1e page ; et la version modifiée dans l’après-midi, bien moins bien mise en évidence, dans la rubrique « santé », avec le présent de l’indicatif passant au conditionnel…

Chacun tirera les conclusions qu’il veut. Mais le mal est fait. Avec pour conséquence la peur et la désinformation chez bon nombre de lecteurs.

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Sylvain Filatriau

 

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